Lettre ouverte au ministre de l’Éducation nationale, au secrétaire d’État à la jeunesse.
Nous, associations membres du Collectif Camps Colos, souhaitons interpeller l’ensemble des pouvoirs publics sur la situation que nous vivons, sur les conséquences immédiates et à court terme, puis sur des pistes de sortie de crise que nous essayons de construire.
Pour rappel le Collectif Camps Colos s’est construit à partir de deux idées fortes : faire des colos un outil de rencontres, de mixités et de care, et leur redonner une dimension politique d’intérêt général. C’est cette dimension politique qui a, par exemple, conduit notre collectif à combattre avec force la directive Travel, qui assimilait colos et tourisme, mais surtout d’ouvrir le débat, nationalement ou localement, sur de tels sujets afin que les questions des colos soient pensées collectivement.
Dès le début de la crise que nous traversons actuellement, les associations du collectif communiquent, se réunissent, échangent. Les difficultés sont nombreuses. Elles sont économiques évidemment, mais surtout humaines et risquent fort d’obérer le devenir des associations. Ces difficultés mettent en péril les écosystèmes humains et économiques dans les territoires, à la fois ceux où nous nous trouvons (lieux de colo), et ceux d’origine des enfants emmenés. Le collectif porte, appuie et permet la construction de pédagogies singulières, innovantes et attentives aux plus fragiles (comme en témoigne le dossier du Journal de l’Animation de ce mois d’avril 2020). Le collectif construit des modèles économiques innovants dans des espaces ruraux, souvent oubliés. À ce titre, le collectif n’a pas attendu les appels ou les plateformes pour venir en aide au secteur médico-social en région Grand-est, pour donner les stocks alimentaires, pour proposer aide et soutien, pour penser ce que pourrait être la colo de l’été 2020, éventuelle.
Par ailleurs, nous constatons qu’en cette période de crise, l’obligation faite par la directive Travel au secteur touristique de garantir aux voyageurs l’indemnisation, voire le rapatriement, ne fonctionne pas. C’est bien l’État qui apparaît en charge de la protection et du rapatriement des ressortissants français à l’étranger.
Depuis le 14 mars, et cela jusqu’à nouvel ordre, les colos sont fermées, les stages de formation annulés ou déplacés et les dates de vacances incertaines. Mais ce qui nous inquiète le plus c’est que l’esprit des parents, des familles est ailleurs. Bref, même si nous maintenons des réunions à distance et du travail de préparation, nos associations n’ont actuellement aucun revenu, n’ont que très peu d’inscriptions, pas de location de lieu et pas forcément leur personnel pour l’été. Dès maintenant, économiquement, nos associations risquent de disparaître. En effet, il ne faudrait pas qu’à la crise sanitaire s’ajoute la disparition du maillage associatif local, si fragile depuis des décennies. Nos colos, nos centres de loisirs sont parfois (souvent !) la principale activité associative et ludique des territoires d’implantation. Nos associations, au-delà, d’activités économiques marchandes sont aussi des lieux indispensables et nécessaires de rencontre, d’apprentissage du faire société, d’appui à l’économie locale, de militantisme au service d’un intérêt général, de développement de territoire, de solidarité envers les plus pauvres, d’accueil de population fragilisée. Depuis le 14 mars, tout ceci s’est arrêté.
Les propositions faites par le gouvernement vont dans le bon sens en ce qui concerne le chômage partiel, mais nos trésoreries ne tiendront pas bien longtemps. En effet, la période actuelle ne nous permet plus habituellement de les renforcer grâce aux inscriptions. Nos finances, déjà très fragilisées depuis des années, parfois juste à l’équilibre, ne pourront pas soutenir un endettement, même garanti, pendant plusieurs années. Comment obtenir de la trésorerie ?
Quel devenir pour nos animateurs en CEE qui n’ont pas accès au chômage ? Comment diriger les colos de cet été, si nous n’avons pas pu former les directeur.trice.s au BAFD maintenant ?
Quel temps disponible pour les étudiants en attente d’examen, de dates… et sans doute de revenus ?
À l’heure où des secteurs entiers de l’industrie ou du transport demandent des nationalisations, où les start-up ont obtenu quelques milliards, nos associations ont également besoin de l’aide et du soutien de l’État, des collectivités et des acteurs publics.
Nous, Collectif Camps Colos, craignons que les seules lois du marché viennent “réguler” l’avenir des colos. Or, depuis longtemps, et plus de 5 ans de manière collective, nous travaillons, construisons des possibles qui donnent à voir que d’autres pistes sont envisageables. Le collectif a écrit des articles, participé à des recherches-actions, réalisé des symposiums de recherche, mis en place des pédagogies du care, pensé des écosystèmes responsables locaux, tissé des liens entre ville et campagne, construit des mixités et combattu pour un monde fait de solidarités et de commun. La
période très difficile que nous vivons montre que nos idées et notre travail sont justes et utiles. Il ne faudrait pas que tout s’effondre en un mois, laissant le champ libre aux seuls acteurs forts du marché, acteurs déjà appuyés par la puissance publique. Si nous disparaissons, la place que nous avons aujourd’hui sera vide – et cela pour un moment -, nos actions à l’abandon, notre élan collectif stoppé.
Pour penser demain, il ne faut pas mourir aujourd’hui.
Les membres du collectif
(crédit photo : Les 400 Coups)